jeudi 4 mai 2017

De l'insupportable injonction au vote Macron à l’indispensable combat contre le Front national

         

          Que ce soit très clairement annoncé d'entrée de texte : le Front national est une blessure, sale et douloureuse, dans notre paysage démocratique, une escroquerie intellectuelle éhontée, le parti le plus poursuivi judiciairement de France, le plus démagogique et manipulateur vis-à-vis de ses électeurs et il ne mérite rien de moins qu’être mis en permanence face à tous ses très nombreux mensonges, grossières contradictions et se voir planté une dague salvatrice en pleine tête pour qu'il crève enfin. C'est là toute la grandeur et l'étendue du combat des prochaines années pour qui se réclame vraiment de gauche, démocrate et républicain.


          L’indigence du débat public

        Ceci étant établi, force est de constater que, pour le cru 2017 de l’élection présidentielle, tout s'est passé comme prévu et même déroulé à merveille ! Ainsi, le second tour programmé et annoncé, voire attendu et désiré, aura bien lieu dimanche prochain. Et il est tout autant aisé d'en deviner l'issue (la seule question sensée, mais fort peu intéressante au demeurant, est de savoir quelle sera l’ampleur de la victoire de Macron sur Le Pen) qu'il était facile d'anticiper le déluge de commentaires appelant, avec plus ou moins d'insistance et de bienveillance, à ne faire qu'un choix et un seul le 7 mai 2017. Dès lors, on peut légitimement s'interroger sur la conception de la démocratie de ceux qui prétendent la défendre. Car selon les éditocrates, et tous ceux qui acquiescent à leur profonde analyse, les électeurs français n'auront ce dimanche qu'une seule et unique action à effectuer pour rien de moins que sauver la France : aller voter Macron, fermez le ban ! Ah bon ? Et pourquoi déjà ? Mais enfin, parce que l'accession au pouvoir du Front national impliquerait, ni plus, ni moins, l'arrivée d'un fascisme contemporain à la tête de l’État français ! Si l’assertion est sans doute quelque peu exagérée, elle n'est certainement pas totalement fausse.

          Mais il me semble surtout que c'est à la fois très largement occulter l’impact, pourtant prévisible, de l’annoncé quinquennat Macron sur la société française et, surtout, c’est extraire un peu vite de l'analyse ce qui a permis et engendré l'arrivée du FN au second tour d'une élection aussi majeure que la présidentielle. Car il me parait, en effet, à la fois léger, indigent, voire malhonnête, de ne faire que s'effrayer du score, certes, terriblement élevé du FN, d’enjoindre très fortement les électeurs dotés d’encore un peu de "bon sens citoyen" à lui barrer l’accès au pouvoir mais sans s'interroger jamais sur ce qui rend possible ses résultats chaque fois plus alarmants. Comme l’écrit Frédéric Lordon dans son dernier billet, publié sur son blog, mercredi 3 mai : « à stade égal de désespérance, abstentionnistes et malgré-nous du macronisme se sautent mutuellement à la gorge, sans jamais songer (enfin surtout les seconds) à se tourner vers ceux qui, au-dessus d’eux, ont aménagé le terrain de leur empoignade ». http://blog.mondediplo.net/2017-05-03-De-la-prise-d-otages
 
          Et, de fait, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il vraiment très rare d’entendre de manière éclairante dans le débat public (politique et médiatique) des explications concrètes et réfléchies sur les différents ressorts du vote FN. Chose qui me semble pourtant absolument fondamentale pour qui souhaite lutter réellement contre le discours mensonger et l’impact dévastateur de ce parti. Car il ne suffit pas de s’envoler dans de grands appels lyriques et solennels, au soir des résultats de n’importe quelle élection, à « faire barrage », « rempart », « ne laisser aucune chance au fascisme » ou encore « élever un front républicain » pour qu'une simple posture d'entre-deux-tours puisse être prise réellement au sérieux. 

          Certes, il convient de reconnaître aux dirigeants et idéologues du terrible parti d’extrême-droite la capacité d'avoir su odieusement manipuler à leur profit une colère populaire hautement justifiée, émanant de personnes en proie au désarroi économique, social, psychique le plus criant et qui croient voir dans le FN une salvatrice opportunité politique d'amélioration de leurs conditions de vie. Il  s’agit bien entendu d'une tragique illusion car le FN au pouvoir ne ferait rien de plus, ou de différent, pour les petits, les déclassés, les exclus, artisans, agriculteurs, employés, fonctionnaires, chômeurs structurels que ne l'ont fait pour eux PS et Républicains réunis. En revanche, il est évident qu’un FN au pouvoir augmenterait d'un sérieux cran le volume du discours raciste et transformerait en politique d’État (ce qui n'est vraiment pas rien) une xénophobie ambiante qui mine déjà profondément notre corps social, en discriminant plus encore ceux qui sont déjà exclus et en élevant plus gravement encore les communautés les unes contre les autres. A nouveau, il ne s'agit certainement pas, ici, de minimiser la nocivité véritable du FN mais plutôt de rappeler qu'en cela, ce parti n'est que la pointe avancée d'un racisme identitaire déjà très largement répandu et qui n'a, hélas, pas besoin de la maudite famille Le Pen et de leurs sbires zélés pour exister et dégrader notre société. Simplement, avec eux au pouvoir, il est clair qu’en matière sociétale, les choses seraient encore pires.

          Le refus de l’injonction 

          L'une des choses les plus exaspérantes du moment actuel, c’est cette sorte d'indignation à temporalité variable face au vote pour Front national : le passage sous silence complet de ce qu’en sont les causes profondes se voit brusquement et bruyamment secoué par une très urgente injonction d'aller voter contre lui lorsqu'il refait soudainement surface lors d'un quelconque second tour. Ainsi, des mois entiers peuvent passer sans que presque personne ne semble s’inquiéter réellement de ce qui va pourtant faire grimper encore un peu plus les scores du FN au prochain coup. Et puis, arrive immanquablement un dimanche soir de plus lorsque s’étalent sur nos écrans les résultats de n’importe quel scrutin. Et alors, stupeur et tremblements en république française : le FN s'y retrouve de nouveau en tête ! Branle-bas de combat, les éditocrates revêtissent leurs plus belles tenues de pompiers et, toutes sirènes hurlantes, accourent dans l'intégralité des espaces médiatiques pour reprendre la tragi-comédie du "rempart / barrage / front républicain" exactement là où ils l'avaient laissée il y a quelques mois.

          Intellectuellement, c'est à la fois pratique, binaire et fort reposant pour eux puisqu’il n’y a plus, dès lors, qu’un seul angle d’attaque, une position unique autorisée à adopter : (faire) battre l'extrême-droite, c’est-à-dire, concrètement, appeler à voter pour celle ou celui qui se retrouve en face et puis c’est tout. Accordons-leur cependant une potentielle nuance : après avoir passé des semaines et vomi des kilomètres d’éditoriaux à les renvoyer dos à dos, il n’est pas évident qu’ils auraient appelé avec la même harmonieuse unanimité à voter Mélenchon si c’est lui qui se retrouvait aujourd’hui face à Le Pen. A ce réflexe, presque mécanique et animal, des éditocrates d’appeler à voter contre le FN, s’ajoute l’insupportable culpabilisation de ceux qui ne leur emboîtent immédiatement le pas, voire, infâme blasphème, qui pensent s’abstenir, voter blanc ou nul ! Curieuse manière de lutter contre le fascisme que de n’envisager qu’un seul choix alors qu’il y en a justement plusieurs. Fâcheuse méthode d’intimidation émanant de ceux qui comparaient à l’envi, il y a encore très peu de temps, Mélenchon à Chávez ou Castro...

          En vérité, il est particulièrement odieux et insultant de vouloir réduire les électeurs à un cheptel obéissant et bien rangé et il est quasiment fascisant de pointer du doigt tous ceux qui osent penser différemment et qui résistent au discours médiatique dominant. « C’est que dans cette morale particulière de l’incendie, la responsabilité va exclusivement aux brûlés et jamais aux incendiaires. » (Lordon, ibid.) Et de fait, il s'en faut de très peu pour que ces médias chiens de garde, ainsi que tous ceux qui suivent leur très médiocre raisonnement, accusent ceux qui n’iront pas voter Macron dimanche prochain de mettre Le Pen au pouvoir ! Alors que les vrais, les seuls responsables, ce sont : d’une part, les électeurs du Front national ; d’autre part, ceux qui ont mené des politiques publiques dévastatrices dans les régions où le FN réalise presque automatiquement ses meilleurs scores ; enfin, tous ceux qui ont intérêt à se retrouver face au parti d'extrême-droite lors de n’importe quel second tour (c’est-à-dire les mêmes) puisque, pour l’instant en tout cas, c’est encore la meilleure manière de remporter n’importe quel scrutin ! 

 Alors, Mesdames, messieurs les éditocrates, de grâce, du haut de vos célestes chaires médiatiques, laissez donc les électeurs réfléchir et voter en conscience (si tant est qu’ils décident d’aller voter) ! Foutez-leur la paix et cessez de les infantiliser car cette injonction au vote est tout simplement détestable (voire même contre-productive), elle déshonore tous ceux qui la profèrent et la colportent et les renvoie à ce qu’ils combattent supposément : des méthodes fascistes d’intimidation et de discours unique. Nous n’avons, d’aucune manière que ce soit, pas la moindre leçon de démocratie à recevoir de vous. Ne pouvez-vous pas concevoir, ne serait-ce que l’espace d’un instant, que refuser de vous obéir peut relever de la dignité intellectuelle et que réfléchir bien loin de vos gueulards éditos et tribunes, ce soit ça le véritable « réflexe citoyen » ? "Il se pourrait que, depuis le temps, une bonne partie de la population commence à en avoir soupé de sa condition d’otage électoral et renâcle à ce qu’on lui demande, en plus de voter comme il faut, de la célébrer selon les rituels appropriés." (Lordon, encore ibid.)


Voilà comment on peut comprendre, si seulement on prend le temps de nous lire et de nous écouter, que nous n’ayons aucune envie de nous presser aux urnes dimanche prochain pour aller voter pour un fringant banquier d’affaires qui mènera, au centimètre près, la politique de l’hydre à deux têtes CAC 40 / Medef. Au programme (car bien sûr que si, il y en a un !) : aller plus loin encore dans la paupérisation des services publics, la poursuite de la décomposition du code du travail, l’approfondissement du démantèlement de l’Etat social, le respect intégral des traités européens, le négationnisme écologique, le resserrement de l’étau des industriels sur les medias, confinant à leur emprisonnement pur et simple, les allègements fiscaux pour le grand patronat, l’allongement du temps de travail, le recul de l’âge de départ à la retraite, entre autres douceurs à venir et très largement prévisibles. Macron laissera se fermer encore bien des usines, non seulement parce que « l’Etat ne peut pas tout » mais aussi, et surtout, parce qu’il ne souhaitera nullement contrarier des actionnaires offusqués que les 15% de rendement annuel n’aient pas été atteints. Il ne faudrait tout de même pas aller s’imaginer qu’ils sont là pour faire du social ! Cela jettera alors dans la précarité des milliers de personnes, alimentera plus encore leur ressentiment d’abandon et bordera avec soin le lit savoureux du vote en faveur du Front national.

Dès lors, aucun « soutien exigeant » à Macron, ni le 7 mai, ni après, ne peut émaner de la gauche. Car qui dit soutien, dit accord, appui, acquiescement, voie ouverte. Et qui est un tant soit peu lucide sur l'état des forces en présence a bien conscience que nulle « exigence » n’est concrètement possible envers le président de la cinquième république. Moins encore lorsqu'on a ouvertement appelé à voter pour lui. Pour nous qui nous réclamons de gauche, la résistance a déjà commencé : ce fut au soir du premier tour. Car, en vérité, n'en déplaise aux médias dominants qui appartiennent aux milliardaires, le désastre a déjà eu lieu : voir un Énarque / banquier d'affaires opposé à un horrible parti d'extrême-droite, voilà, pour nous, la très grande défaite. On préférera donc encore, sous les hurlements et mises à l'index, s’abstenir, voter blanc ou nul pour le second tour que cautionner celui qui, bien loin de « barrer la route au fascisme du FN » va, tout le contraire, lui confectionner, lisser et consolider un boulevard durant cinq ans. "Fabriqué par l’oligarchie comme réponse à la crise, il est le meilleur agent de l’approfondissement de la crise." (Lordon, toujours ibid) Qui n’a toujours pas compris cela est politiquement soit aveugle, soit sourd, soit les deux ! En tout cas, pas de panique ! Lorsque le FN pointera de nouveau le bout de son museau enragé, lors du prochain second tour de la prochaine quelconque élection, il n’est pas tout à fait exclu qu’on lise dans certains journaux et qu’on entende sur certaines ondes certains éditorates entonner une certaine rengaine qui pourrait bien finir par devenir populaire. Il s’agit de celle dite du « front républicain », avec notamment ses désormais fameux couplets exquis et mélodieux sur le « barrage » et le « rempart ». C’est vraiment à se demander qui a intérêt à quoi et jusqu’à quel point on peut se foutre du monde…


Réflexion collective


Ainsi, bien plus intéressant serait de nous interroger collectivement sur ce qui rend possible l’accession au second tour de l’élection présidentielle d’un parti aussi abject que le FN. Bien plus intéressant également serait de nous interroger tout aussi collectivement sur la place qu’occupe toujours ce parti lorsqu’il arrive au second tour (l’immonde repoussoir) et sur celle occupée par celle ou celui qui, pour son plus grand bonheur électoral, se retrouve en face (le sauveur républicain). Et de fait, qui, sinon le PS et les Républicains, a rendu possible (voire encouragé), scrutins après scrutins, l'inexorable et lamentable croissance du FN ces dernières années ? Qui, sinon ces deux partis, successivement aux affaires depuis près de quarante ans dans l'intégralité des instances de pouvoir du pays, en a déçu la population au point de lui faire envisager le vote FN comme une alternative crédible (ce qu'il n'est évidemment pas du tout) ? N’y a-t-il pas, dès lors, un intérêt hautement cynique, stratégique et viscéralement politicard, désormais bien rodé, de favoriser puis maintenir les scores élevés du FN afin de toujours se retrouver dans la même configuration binaire et stérile mais ô combien pratique ? Le FN au second tour de toutes les élections mais qui, face au toujours très respectable et jusqu’ici indestructible « front républicain », ne remporte jamais aucune élection majeure, voilà un scénario platement répétitif mais qui risque bien, à la longue, de finir par ne plus fonctionner.

Et voilà pourquoi, nous sommes aujourd’hui si nombreux, non seulement à refuser de nous plier à une méprisable injonction médiacratique d’aller voter comme on nous l’ordonne, mais aussi à considérer que cette mauvaise plaisanterie a désormais suffisamment duré. « Voilà que ces derniers nous appellent à faire barrage aux effets en nous enjoignant de voter pour les causes. » (Lordon, encore et toujours ibid.) Il me parait donc que c’est bien plus sur la nullité de cette configuration électorale qu’il nous faut réfléchir, plutôt que de céder instantanément au bourrage de cranes en faveur de l’indispensable « barrage » et attendre que se rejoue à chaque fois la même scène, maintenant bien connue : un « rempart » et ça repart ! Quel intérêt dégueulasse que celui des partis traditionnels à disposer à portée de main d’un épouvantable épouvantail dont le danger, la diabolisation et le poison doivent absolument être maintenus à un haut niveau de toxicité pour que le simple fait d’en agiter la menace suffise à ramener à tous les coups les braves électeurs à la case départ du « front républicain », c’est-à-dire, concrètement, à voter contre le FN et non pas pour le PS / LR, même si, in fine, c’est bien toujours eux qui raflent le butin électoral... Piètre démocratie, s’il en est, que celle du suicide assisté dans laquelle on est fortement pressés de choisir entre deux maladies mortelles, l’une conduisant inéluctablement à l’autre...

On l’a dit, PS et LR confondus ont véritablement, et fort cyniquement, intérêt à maintenir élevée la menace terroriste électorale FN. Cela leur permet, en effet, de s’octroyer invariablement le beau rôle de virginales vigies antipirates, seules à même de repousser le péril fasciste vers d’autres rivages et de maintenir le navire France, pavillon haut et immunisé de la peste brune, en tout cas jusqu’à sa prochaine sournoise attaque. Que voulez-vous, il faut bien une touche de populisme, de storytelling, de simplisme, de démagogie, de bons et de méchants, de purs et de salauds, de héros et de dragons pour que ce bon peuple français, par ailleurs si souvent invoqué et idéalisé mais si peu connu et pratiqué en réalité, agisse tel qu’on le lui indique. Qu’une fois passée la rigolade de la récréation du premier tour, le « peuple » revienne à l’âge de raison et que, la méchante tourmente FN une fois de plus repoussée, on puisse se rasséréner médiatiquement et saluer sa responsabilité de grand peuple mûr, sage et sensé. En l’occurrence, c’est vraiment très simple : il s’agit d’aller voter Macron dimanche prochain puis, surtout, s’en retourner à son apathie télévisuelle caractérisée jusqu’au prochain scrutin pour lequel il y a très fort à parier que le même scénario se reproduira avec des acteurs que seul le poids des années auront quelque peu modifiés.

Quand la « menace terroriste » permet de restreindre toujours un peu plus les libertés publiques, avec le paradoxal consentement de la population (puisqu’il en va de sa sécurité), le péril FN permet, quant à lui, de verrouiller l’offre électorale et de clore absolument un débat politique devenu parfaitement codé et rigidifié. Et, pour tous ceux à qui ce schéma pratique convient, force est de reconnaître qu'il est vraiment très bien organisé comme ça ! La seule question, passionnante pour sûr, qui y tienne encore la longueur consiste donc à soupeser et anticiper quelle sera l’ampleur de l’écart des scores entre le FN et le parti qui se retrouve en face et de s’assurer tous ensemble que le « front républicain » a, une fois de plus, tenu bon le choc. S’il faut, au besoin, colmater par endroits les quelques brèches dont il pourrait avoir souffert durant la dernière homérique bataille, alors nous pouvons offrir toute notre confiance à nos fidèles chiens de garde médiatiques qui, inlassablement, une fois de plus, remonteront au créneau, y montreront leurs crocs, rugiront et aboieront très fort, à grands coups d’éditos grandiloquents et hurleront, pour la énième fois, qu'il nous faut rien de moins que sauver la démocratie. Compris ? En ce qui concerne le 7 mai prochain, oui, on a cru finir par comprendre car les choses sont on ne peut plus claires : qui ne vote pas dans le sens de la « marche » toute indiquée sera pratiquement considéré comme traître à la nation. Par contre, qui aura bien voté Macron comme on le lui a répété durant deux semaines (voire plutôt deux ans), sera des leurs et aura droit à son bon point d’électeur puisqu’il aura choisi le bon bulletin comme les autres ! Et bien, nous n'en serons pas, point.

Le combat véritable contre le Front national

S’indigner que le FN arrive en tête de n’importe quel scrutin et, pire encore, au second tour de l’élection présidentielle et appeler à le faire battre, c’est le service minimum, voire même le degré zéro, d’une pensée de gauche et républicaine. En revanche, mener une lutte véritable contre sa résistible ascension et sa dramatique expansion idéologique durant les cinq prochaines années, voilà un projet politique bien plus intéressant et ambitieux ! Si tant est qu’il trouve suffisamment de protagonistes pour être conduit évidemment… Car, à la différence d’autres, nous n’avons aucun intérêt à subir pendant des années encore la même médiocre scène électorale dominicale et, dans l’entre-temps, voir des ponts et des murs, partout dans le pays, recouverts d’affiches FN se proclamant comme le « premier parti de France ».

Au soir du 21 avril 2002, comme s’il s’agissait d’un attentat électoral dont l’effroi fut proprement saisissant, des milliers de personnes étaient spontanément descendues dans les rues des grandes villes de France pour se réunir et opposer leur très vive opposition à la présence d’un parti raciste et xénophobe au second tour de l’élection présidentielle. Presque quinze ans plus tard, jour pour jour, la fille de son père est parvenue à hisser de nouveau le FN au second tour de la même élection, lui offrant même un résultat de quatre points plus élevé. Pour autant, c’est vraiment peu de chose d’écrire que la réaction populaire est autrement plus désabusée… Les raisons en sont fort simples : d’une part, ce scénario électoral étant très largement prévu, depuis des mois, les esprits ont eu le temps de s’y préparer et, d’autre part, il ne vient que parachever une longue série brune de scrutins « intermédiaires » qui ont vu les hauts scores du FN s’installer tranquillement et invariablement dans le paysage électoral français. Aucun parti ou mouvement citoyen ne semble être parvenu, jusqu’ici, à contrecarrer significativement cette tragique expansion, sombre dynamique qui se répand telle une maladie infectieuse contaminant les mentalités d’abord puis, les isoloirs en fin de course.

Michel Onfray a un jour déclaré qu’il « en voulait moins à Marine Le Pen qu’à tous ceux qui la rendent possible ». Je suis entièrement d’accord. Sauf qu’à partir de maintenant, il va bien falloir qu’on s’attaque de front à ces deux maux objectivement et très clairement alliés que sont : d’une part, les politiques de droite menées par tous les gouvernements successifs et qui détruisent inexorablement les services publics, le tissu associatif et donc le corps social et, d’autre part, le FN qui se contente de laisser passer quelques vagues mensuelles puis, revêt paisiblement une tenue de chasseur-cueilleur-pêcheur et s'en va électoralement récolter les fruits abîmés de la justifiée colère populaire. 

Et comment alors s’attaquer à ce pathétique et répétitif schéma ? Pardi, en menant une véritable politique de gauche !

(à suivre..)


Séville, mai 2017.